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Le rapport Laurent (Temps de travail) : danger !

19 Juillet 2016 , Rédigé par FSU CROUS Publié dans #Nos communiqués

Le rapport sur le temps de travail des fonctionnaires (et agents publics) : attention danger !

​Le 26 mai dernier, Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, remettait à Annick Girardin, ministre de la fonction publique, le rapport commandé par Manuel Valls en juillet 2015 sur le temps de travail des agents des trois versants de la fonction publique (Etat, territoriale, hospitalière). Ce document devait être remis en février mais des problèmes de calendriers et surtout le surgissement du mouvement social contre la loi Travail a certainement retardé cette publication.

​Le but essentiel du rapport est d'exiger des fonctionnaires le respect du volume horaire annuel de 1607 heures, estimant qu'un certain nombre de dérogations abaissent actuellement ce seuil. En réalité, les textes en vigueur prévoient d'intégrer un certain nombre de situations pour calculer ce volume horaire annuel. Ces situations ont une histoire, elles peuvent être le fruit des luttes sociales. Le rapport suggère d'approfondir les modalités de contrôle du temps de travail et une dizaine de recommendations vont dans ce sens. Il remet en cause les personnels d'encadrement qui ne feraient pas leur travail de contrôle et fait peu de cas de la nécessaire confiance qui renforce l'esprit d'équipe de travail.

"Le temps de travail effectif" ou l'art de réaliser des économies !

​Puisqu'il faut réaliser 1607 heures, il faut comprendre ce que recouvre la notion de "temps de travail effectif". Une définition en a été donnée dans un premier temps par le Code du travail : " Est temps de travail effectif le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles". Dans la fonction publique, aucun texte n'y faisait référence avant l'article 2 du décret 2000-815 du 25 août 2000.

​Notion patronale par excellence, elle a pour but de distinguer le temps "réellement" travaillé du temps qui pourrait être considéré comme du non-travail. En extirpant des portions de temps, le but est bien de ne plus rémunérer l'agent pour ces périodes qui lui étaient dûes auparavant et donc de faire des économies.

​Une bataille s'est engagée depuis au moins vingt ans pour soustraire à la rémunération le temps d'habillage et de désahabillage, diverses pauses (toilettes, cogarette, 20 minutes), certains jours fériés. Le rapport Laurent propose de "fixer les 1607 heures comme moyenne effective de travail dans la fonction publique quand aucune sujétion ne justifie un régime inférieur".

​La suppression des jours fériés dans le calcul des 1607 heures ou comment faire augmenter le temps de travail pour le même salaire !

​La recommendation n° 4 propose d'inscrire dans "les textes le principe d'une obligation annuelle de travail (OAT) de 1607 heures, quel que soit le nombre de jours fériés".

​Il y a un vrai enjeu à l'éducation nationale, où certains jours fériés sont comptabilisés dans les 1607 heures. La circulaire de l'éducation nationale indique : "Les jours fériés sont comptailisés comme du temps de travail effectif, pour le nombre d'heures de travail prévu dans l'emploi du temps de la semaine concernée, lorsqu'is sont précédés ou suivis d'un jour férié".

​Le rapport Laurent remet en cause ces dispositions dans le socle de calcul des 1607 heures. cela pourrait conduire, selon les années, à travailler environ une semaine de plus.

​Congés annuels et jours RTT : contrôler toujours plus les congés des personnels

​La recommendation n° 3 invite les administrations à "distinguer les jours de congés des jours de RTT en créditant ces derniers mensuellement en fonction de la présence réelle de l'agent".

​Pour quelle raison ? Tout simplement parce que l'employeur aura plus facilement la main sur des jours de ARTT dont la gestion est différente de celles des jours de congés annuels. Les jours de ARTT peuvent être positionnés sur des jours précis de la semaine, à prendre à telle période de l'année et sont donc souvent de gestion plus contraignante que les congés annuels.

L'acquisition de jours ARTT est par ailleurs liée à la réalisation de durées de travail hebdomadaires supérieures à 35 heurs. " Les absences au titre des congés pour raison de santé réduisent désormais à due proportion, le nombre de jours RTT que l'agent peut acquérir" (circulaire DGAFP du ​18 janvier 2012).

Cette disposition découle de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 qui rompt avec la jurisprudence qui considérait que l'agent en congé de maladie devait être regardé comme ayant accompli les obligations de service.

​Le nombre de jour RTT est diminué proportionnellement à la durée de congés maladie dans un savant calcul (sauf congé maternité).

​Le ministère de l'éducation nationale, par exemple, a développé ces dispositions de façon inégale d'une académie à l'autre mais en a rappelé récemment l'existence dans une circulaire du 9 mars 2016.

Suppression des jours de fractionnement pour tout agent qui travaille plus de 35h/semaine

​La recommandation n° 5 est formulée de la façon suivante : "Laisser le bénéfice des jours de fractionnement aux seuls fonctionnaires travaillant 7 heures par jour et 35 heures par semaines et ne bénéficiant pas de jours de RTT".

​C'est le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l'Etat qui est ici visé. Cela remettrait en cause le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l'Etat et la circulaire n° 2002-007 du 21 janvier 2002 du ministère de l'éducation nationale et aurait pour conséquence de faire travailler tout agent travaillant plus de 35 heures par semaine (la plupart d'entre nous) 14 h de plus, que les jours de fractionnement soient comptés forfaitairement ou non.

Extension de l'annualisation du temps de travail

​La recommendation n° 9 préconise de "développer l'annualisation du temps de travail dans les services de l'Etat et des établissements hospitaliers soumis à des variations saisonnières d'activité". Disons tout de suite que la globalisation du temps de travail sous une forme annuelle n'a jamais été une revendication syndicale, qu'elle a été au contraire promue par le patronat pour masquer les heures supplémentaires. Le temps de travail à 35 h ou plus par semaine n'est qu'une moyenne pouvant être modulée selon les besoins de l'employeur. D'ailleurs, l'annualisation complexifie le calcul pour chaque salarié qui a souvent du mal à s'y retrouver. Loin de l'annualisation, il faut revendiquer un temps de travail basé sur la journée et sur la semaine, seules unités de mesures tangibles pour les salariés.

​Une attaque contre les temps partiels à 80% et 90%

​La recommendation n° 17 demande de "mettre fin à la sur-rémunération du travail à temps partiel à 80% ou 90%". L'utilisation de la notion de sur-rémunération est culpabilisante pour les personnels, surtout quand les salaires à temps plein sont eux-mêmes modestes. 17% des fonctionnaires sont à temps partiels dont la moitié à 80%.

​A l'heure actuelle, un agent à 80% perçoit 85,71% du temps plein, un agent à 90% perçoit 91,43%. Ces taux ont bien sûr une justification. Si la recommendation aboutissait, cela se ferait sur le dos des personnels. Quelle manne financière appréciable si l'Etat peut faire main basse sur ce trésor !

​La durée du temps de travail est une lutte que doit relever l'ensemble des salariés car il s'agit de nos conditions de vie et de travail qui sont en jeu. Nos conditions de travail sont le résultat de nos luttes. La FSU et le SNASUB avait déjà défendu les intérêts des personnels en 2000-2001 contre l'ARTT. Aujourd'hui le rapport Laurent entend aggraver ce que nous avions combattu à l'époque. Nous serons à l'offensive sur cette question.


 François Ferrette (Convergences n° 220 juin-juillet SNASUB-FSU)

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